Décor majestueux. Du grand portail à l’entrée arborée, les jardins sont ornés de statues à l’allure antique mais aussi de sculptures aux couleurs vives, plus modernes. L’ancienne bâtisse aux intérieurs feutrés garnis de papiers peints et autres tapisseries nous invite à rêver d’époques que nous voudrions connaître et dont les marqueurs inconscients aiguisent habilement notre imagination… et notre appétit !
Confortablement installés au cœur de ce cossu décor nous savons maintenant qu’un unique mot d’ordre composera le récit de ce dîner : la truffe. C’est donc une véritable scène de théâtre qui se joue ici. Benjamin Bruno, Chef de talent et son frère Samuel en salle assurent le bon déroulement du spectacle.
Levé de Rideau
Débute alors l’ouverture du menu à la truffe Tuber Aestivum (truffe d’été) et Tuber Melanosporum (truffe noire).
« Velouté de châtaignes façon cappuccino »
Une texture merveilleusement onctueuse, une pure gourmandise ! Je suis déjà tout sourire pour choisir un breuvage issu de beaux raisins fermentés.
Une carte des vins dotée notamment d’une belle sélection de vins de Provence et de la vallée du Rhône. Le choix d’un Côte du Rhône rouge 2012 du domaine Jamet fera une belle entame.
Nous entrons dans le vif du sujet lorsque l’un des plats emblématiques de la Maison s’invite à notre table :
« Feuilleté au foie gras et Truffe entière, sauce façon Bordelaise truffée »
Quelle sensation singulière que de mordre une truffe entière à pleines dents ! Délicatement ferme, Tuber Aestivum exhale des parfums plus intenses encore. Le produit vedette n’est pas traité comme un condiment mais bel et bien comme l’élément central de l’assiette… pour notre plus grand bonheur ! La sauce offre un drapé de velours joliment parfumé et le foie gras soutien gracieusement la pépite. Joie est de constater que les arômes de fruits noirs et les notes fumées du vin répondent avec allégresse. De beaux sentiments de gourmandise hivernale résonnent à travers la rassurante abondance de nos assiettes.
L’Aria de la « Prima Donna »
Nous retrouvons sans attendre cette générosité à travers « Le plat d’ anthologie de la Maison Bruno », soit une pomme de terre cuite au four accompagnée d’une crème de truffe et abondamment râpée de Tuber Melanosporum. Encore une fois, l’ étonnante simplicité rend parfaitement justice au noble produit. Le parfum de cette truffe noire est enivrant. Le goût est très intense et la longueur en bouche incomparable. Il est vrai que la saveur terreuse et le fondant de la pomme de terre, joyeusement enrobée par le soyeux de la crème, accompagnent avec tact la mélodie enchanteresse de notre Diva Truffe.
La partition est juste, sublime moment !
Pour ne pas contredire l’histoire je choisis un vin dans la continuité et offrant toujours plus de subtilité, de finesse et de profondeur: un Cornas « Les Grandes Terrasses » 2011 domaine Paul Jaboulet. Un joli vin au grain fin et aux arômes fruités bien définis.
Apothéose de l’Acte final
Pour clore cet acte principal par un accent plus provençal, « L’Agneau confit pendant cinq heures » et sa purée de topinambour font leur apparition. Le tout parsemé de râpé de truffe, bien entendu.
Il s’agit peut-être de l’hommage le plus désarment rendu à notre star. L’authenticité apparente de ce plat nous rappelle une cuisine gorgée de bons sentiments comme l’était celle de nos grands-mères. L’agneau est fondant à souhait, la fine peau croustillante et la purée lisse et savoureuse. Notre truffe apprend cette fois-ci à donner la réplique plus discrètement sans toutefois se faire oublier. Il faut avoir un bel appétit pour achever notre assiette qui ne manque pas de bienveillance.
Un premier dessert à l’énoncé bien connu de notre tradition culinaire française nous est servi.
« Île flottante »
…oui, mais… à la truffe ! Légère appréhension car l’accord n’est pas évident si on ne le possède pas à son répertoire gustatif. Une réussite. La crème anglaise nous rappelle que la vanille est d’abord une épice et qu’elle peut donc tout à fait tenir le rôle d’assaisonnement. En harmonie avec les amandes effilées, la tubéreuse développe cette fois-ci des parfums de torréfaction plus proches de la noisette.
Parfait prélude aux « Pommes pochées au vin rouge », framboises, crumble et crème légère fouettée, point d’orgue de cette ultime scène.
Le Chef Benjamin Bruno vient en salle nous saluer et nous invite très gentiment à visiter les superbes cuisines ornées de carreaux peints où les batteries de cuivres habillent les murs en grandes pompes.
Véritable institution varoise de la gastronomie française, cette Maison historique est l’une des rares gardiennes d’une certaine tradition et d’un temps où le repas renvoyait invariablement au partage, à la convivialité, aux plaisirs essentiels lorsque l’ apparat et la mise en scène étaient – et sont encore – une passerelle à l’ évasion et aux arts éphémères.
Une belle leçon d’avoir constaté que cet exceptionnel produit qu’est la truffe, parfois utilisée avec arrogance comme luxueux prétexte à des plats égarés, a retrouvé ici sa juste place, magnifiée par l’authentique savoir-faire de la famille Bruno qui continuera encore longtemps à nous interpréter cette mélodie du bonheur.
Hôtel – Restaurant BRUNO
Campagne Mariette 2350 Route des Arcs
83510 – LORGUES
Tél : 04 94 85 93 93
E-Mail : contact@bruno.fr
www.restaurationbruno.com
il me fallait ce coin de paradis avec ses plats succulents et un service chaleureux pour faire passer la pilule de mes 70 ans.Je n’attendrais pas les 80 ans pour y retourner