Jean-François Piège / Le Grand Restaurant **

Un nom qui est sur toutes les lèvres depuis cette rentrée 2015: Jean-François Piège – Le Grand Restaurant ouvre ses portes ! Les gastronomes invétérés que nous sommes avions compté depuis la réservation quasiment chaque jour nous séparant de cette expérience gustative qui s’annonçait hors du commun.

Jour J

La rue Daguessau semble déserte, il est midi trente. Aucun commerce… se peut-il qu’une grande table se cache ici ? Une grande vitre teintée donnant sur la rue laisse entrevoir des silhouettes à toques blanche déjà bien affairées. Je suis bel et bien face au Grand Restaurant et l’appétit grandit à chaque seconde. La porte s’ouvre, la cuisine se présente immédiatement ; la brigade est en mouvement dans un silence méthodique. L’accueil est chaleureux et nous échangeons quelques mots avec les cuisiniers.

Nous voici donc enfin dans la salle du restaurant, ornée de cette incroyable verrière géométrique contemporaine diffusant une lumière nette mais délicate. Les tons sont neutres faisant ressortir les strates murales que les appliques teintent par petites touches orangées. Ici, le spectacle coloré jaillira essentiellement de l’assiette !

Le menu Signature du Chef Piège est en marche.

JEAN-FRANÇOIS PIEGE / LE GRAND RESTAURANT

De fines dentelles à la crème de sésame donnent la première note plutôt joyeuse et ludique par le croustillant de son riz soufflé et ses épices douces. Un côté presque « apéro » nous invitant à ne pas trop se prendre au sérieux.

Sur la proposition de la Chef Sommelier Caroline Furstoss, un verre de Pinot Blanc d’Alace Boxler 2012 accompagnera les entrées à venir. « Un air de baguette » , soit une sorte de mini baguette fourrée d’une crème au parmesan déposée sur quelques brisures de champignon rose et rehaussée d’une crème de truffe noire. L’espièglerie du Chef se retrouve pleinement à travers ce jeu de trompe-l’oeil. C’est aérien, onctueux et merveilleusement éphémère.

La pomme soufflée croquante, émulsion de crustacés et caviar s’invite alors sur la table. Merveille de simplicité et de technicité, cette pomme se révèle fondante en bouche, enivrée par l’intensité de ce jus de crustacé magnifié par la salinité et l’iode discrète du caviar.

Les dernières gouttes de ce joli Pinot Blanc soutiennent agréablement cet équilibre. Les visages s’animent, les mots se croisent, Daverio et moi sommes déjà pleinement au coeur de l’action. Le décor est planté. Non sans une certaine excitation je demande la carte des vins.

JEAN-FRANÇOIS PIEGE / LE GRAND RESTAURANT

Mes yeux sont grands ouverts, mon rythme cardiaque s’accélère sensiblement face au grimoire… superbe sélection. Tous les grands noms sont là bien entendu mais pas seulement. De la Champagne à la Loire, de la Bourgogne au Languedoc Roussillon, les appellations virevoltent sans que les prix s’envolent. Bonheur est de constater qu’à partir de seulement 24€ la bouteille pour un IGP côtes Rhodaniennes de bonne facture, le plaisir est incroyablement accessible. Un blanc sera idéal pour accompagner les crustacés qui composeront les prochaines entrées.

Après quelques minutes de religieuse lecture, mon regard se pose sur un Terrasse du Larzac – Domaine de Saint Sylvestre 2012. Un superbe vin que j’ai plusieurs fois dégusté et que j’aime particulièrement, Daverio doit le découvrir absolument ! Légère appréhension lorsque le sommelier nous informe qu’un passage en carafe permettra au vin de perdre son léger gaz carbonique résiduel. Les craintes se confirment, nous voyons par nous même une légère mousse persistante. Le vin est en phase de réduction et ne donnera pas le plaisir attendu. C’est avec aplomb qu’un Corbières blanc «La Bégou» 2014 nous est proposé en remplacement. Ma légère déception ne se lit pas sur mon visage, car je fais confiance en cet homme jovial mais impliqué. Plaisir de découvrir ensemble ce joli vin à dominante de grenache gris. Des arômes d’agrumes et de fruits se dévoilent avec gourmandise. Une acidité maîtrisée et équilibrée rend ce vin très digeste. Nous sommes satisfaits.

JEAN-FRANÇOIS PIEGE / LE GRAND RESTAURANT

Une magnifique assiette blanche ondulée à la texture granulée ressemblant à de fines bulles est déposée devant nous, écrin majestueux pour ce «Gâteau de foie blond… baigné d’une sauce aux écrevisses» aux couleurs flamboyantes. Un seul regard pour nous projeter immédiatement vers de multiples sensations gustatives. Le gâteau, très fondant et orné d’une légère écume contraste habilement avec le caractère marqué des écrevisses à la texture plus ferme. Beaucoup de goût bien entendu et une longueur en bouche magnifiée par le gras et l’allonge du Corbières.

JEAN-FRANÇOIS PIEGE / LE GRAND RESTAURANT

Le Homard bleu qui nous avait été présenté en début de repas encore cru et entouré de feuilles de figuier au fond de sa cocotte afin d’être mijoté pour nous se retrouve maintenant majestueusement dressé. De craquantes noisettes torréfiées et de petites mures dansent autour du noble crustacé, nappé d’un jus aux saveurs de figues et lié au foie gras. Incroyable sensation de douceur et d’onctuosité. La cuisson en feuilles de figuiers a littéralement enveloppé ce plat. Nous sommes touchés par cette générosité.

Vers le sommet

Le veau est en chemin, il est grand temps de choisir un rouge. Avec une viande si délicate et un jus aux cèpes aux parfums d’automne, un Bourgogne me vient à l’esprit. Qu’il en soit ainsi, je demande une bouteille de Chambolle-Musigny Ghislaine Barthod 2009. Le vin danse dans nos verres, la robe est vibrante, limpide et scintillante. Un premier nez nous rappelle toute l’élégante beauté et la finesse du Pinot Noir. Un beau fruit croquant et une belle acidité. A l’aération le vin gagne en complexité nous offrant des arômes de framboise de cassis et de mûre, des épices douces ainsi que des notes de sous bois et de truffe… une belle profondeur !

JEAN-FRANÇOIS PIEGE / LE GRAND RESTAURANT

Véritable point culminant de ce repas, la côte de veau de lait a été préalablement mijotée sur des coques de noix. Un fumé subtil, un jus concentré et une purée aux noix bien lisse et diablement onctueuse enlacent la pièce de viande. L’incroyable tendreté du veau de lait, le léger croquant du ris, l’ intensité du jus et des cèpes répondent amoureusement à ce Chambolle au grain tout en finesse et à la texture satinée. Vigueur et élégance caractérisent ce vin et ce plat. Toutes les senteurs et les saveurs automnales sont présente, nous offrant une conversation profonde et délicate du verre à l’assiette. Un très beau moment !

Ne cessant d’argumenter nos multiples sensations, une scène surréaliste se produit pourtant devant nos yeux écarquillés. Une bouteille de La Tâche du domaine de la Romanée Conti – Graal ultime du vin s’il en est – est servie au couple assis à quelques mètres de nous. Notre respiration s’interrompt momentanément. Stupeur et incrédulité de n’observer aucun émoi, aucun plaisir sur le visage des protagonistes. Ce grand vin que j’ai une unique fois eu l’occasion inespérée de boire, gravé à tout jamais dans ma mémoire et dont je pourrais parler des heures entières n’a donc pas été reçu à sa juste mesure par nos deux acteurs qui poursuivent stoïquement leur repas, accrochés à leurs téléphones portables respectifs sans se soucier de ce légendaire breuvage.

Soit, nous sommes dans notre bulle et enchantés de discuter longuement entre amis de notre aventure et il est hors de question de ne pas en profiter pleinement et de respecter tout le déroulé de ce moment.

JEAN-FRANÇOIS PIEGE / LE GRAND RESTAURANT

Un plateau en forme d’escalier où sont disposés les quelques magnifiques fromages sélectionnés de chez Xavier précède le bal des desserts tout en grâce et en légèreté de la Chef Pâtissier Nina Métayer. Flouve odorante à la pomme, Blanc Manger et crème à la bergamote viennent nous rafraichir le palais dans un premier temps puis, comme un souvenir d’enfance, nous combler simplement de tendres gourmandises. L’équipe en salle a fait preuve d’une redoutable efficacité tout au long de ce récit culinaire – une présence discrète toujours à l’écoute et au tempo juste. Après quelques échanges et chaleureux remerciements au Chef Piège nous quittons la scène.

Véritable galerie de tableaux gustatifs, temple des sens et théâtre des sentiments, ce Grand Restaurant est d’ores-et-déjà une adresse incontournable tant la cuisine de Jean-François Piège aux accents traditionnels offre néanmoins un pont vers l’avenir par l’audace de sa franchise, sans jamais nous bousculer avec arrogance.

Une gastronomie à dimension humaine et à la finition irréprochable, généreuse et goûteuse qui nous invite encore et encore à revivre ces rares instants de bonheur et de partage.


Jean-François Piège / Le Grand Restaurant
7 rue d’Aguesseau
75008 Paris
01.53.05.00.00

Ouvert du lundi au vendredi, midi et soir
De 12h30 à 14h00 et de 19h30 à 21h00
Pas de service voiturier
Parkings et Métros : Concorde, Madeleine

3 commentaires pour “Jean-François Piège / Le Grand Restaurant **

  1. hardane

    Plutot que de faire dans la littérature, il faudrait mieux mettre des légendes précises aux plats
    Salut

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